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Il faut 655,96 francs CFA pour acheter un Euro. C’est une valeur intangible qui n’est pas soumise aux variations du marché des changes. Cette parité fixe est issue de la création, après la Seconde Guerre mondiale, d’un mécanisme incluant les colonies françaises d’Afrique dans la sphère monétaire française. Et c’est une partie du débat qui a démarré, depuis de longs mois, et qui gagne en intensité. Ce débat oppose ceux qui ne veulent plus de la formule actuelle, car elle entraverait le développement économique des pays concernés à ceux dans l’autre camp qui considèrent que c’est un facteur de stabilité pour les économies d’Afrique de l’Ouest et centrale.
Entrave au développement ou facteur de stabilité ?
Le franc CFA a-t-il fait son temps ? Pour nombre d’experts le lien de parité fixe avec l’euro est un atout, un gage de stabilité. Pour d’autres, un lourd handicap. L’Afrique est à la recherche de grands marchés intérieurs. Verront-ils le jour avec le CFA actuel ? Ou bien un CFA fluctuant ? Une toute autre monnaie ? Quelle politique monétaire, pour quels objectifs ? Les ministres des Finances de la zone du franc CFA ont tenté de faire converger vendredi dernier leurs positions lors d’un sommet d’Abidjan, sur fond d’interrogations persistantes sur l’avenir de cette monnaie, dont certains souhaitent l’abandon. Ce sommet, placé en perspective des assemblées annuelles de la Banque mondiale (BM) et du FMI, réunit les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre avec la France, représentée par Michel Sapin.
La devise partagée par quinze Etats africains et garantie par le trésor français ne fait toujours pas consensus sur le continent. Ses détracteurs y voient un vestige du colonialisme et une entrave au développement.
Dans toutes les rencontres de la finance africaine, le franc CFA est au coeur des débats. Lors de la célébration des 55 ans de l’indépendance du Tchad, Idriss Déby avait eu cette sortie : « Cette monnaie, elle est africaine. Il faut maintenant que réellement, dans les faits, cette monnaie soit la nôtre ».
Faut-il un arrimage du CFA actuel à un panier de devises, l’euro, le dollar, le yuan… L’idée avait été débattue en 1994 lors de la dévaluation. Lors du dernier sommet de la zone franc, le 02 octobre 2015, la France s’est dit entièrement ouverte « à toutes les discussions. Tous les pays membres de cette zone monétaire sont libres et indépendants », avait déclaré le ministre français des Finances, Michel Sapin.
« La solidarité est le maître-mot dans la zone franc », a soutenu Amadou Ba, Ministre de l’Economie et des Finances du Sénégal. Dans un contexte économique marqué par des incertitudes au plan international comme régional, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales ont réitéré leur engagement à œuvrer pour le développement de la zone franc.
Ils s’engagent au renforcement du principe de solidarité dans la zone afin d’apporter des réponses concertées et communes aux défis économiques, sociaux et sécuritaires. Selon Abbas Mahamat Tolli, gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), grâce à sa réserve commune de devises, plusieurs pays de la zone franc ont pu faire face à des situations économico-sociales alors qu’ils présentaient des déficits budgétaires.
Les participants ont donc émis le souhait de réduire les déséquilibres budgétaires, afin de garantir le bon fonctionnement des unions monétaires et de préserver la soutenabilité des trajectoires de développement.
Présent à cette réunion, le ministre français de l’Economie et des Finances, Michel Sapin, a soutenu que le franc CFA, en dépit de son nom, demeure une monnaie africaine dont la gestion est exclusivement l’affaire des pays de la zone franc. C’est donc à ces derniers de décider de l’avenir de la monnaie.
Certains analystes économiques à l’image de Kako Nubukpo épousent cette conviction. Ex- ministre de la Prospective du Togo, aujourd’hui à la tête du Département économique et numérique de l’Organisation internationale de la francophonie est l’un des principaux animateurs du débat sur le franc CFA, et l’un des coordonnateurs du livre collectif intitulé « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA ?», et paru aux Editions La Dispute.
En tout état de cause, dans le débat sur le franc CFA, un fait est patent, c’est l’ancrage de cette monnaie dans les habitudes des consommateurs de la zone franc, depuis plusieurs générations.
Au moment où des critiques s’expriment sur le franc CFA, les pays d’Afrique de l’Est réfléchissent à créer une monnaie commune. Des pays d’Afrique de l’Est qui ont chacun leur monnaie, et souffrent de la dollarisation de leurs économies.
A partir d’une étude faite par Kako Nubukpo au sein des économies de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) fortement dépendante des ressources pétrolières, leur réserve de change a baissé de 13% sur un an. Avec pour conséquence que « bientôt, on ne parlera plus de réserves massives auprès du trésor français, mais d’absence de réserves » prédit Kako Nubukpo, l’ancien ministre de la Prospective du Togo. Dans l’hypothèse d’une dévaluation du FCFA dans deux ans, que deviendra cette monnaie pour une économique en nette expansion comme la Côte d’Ivoire ? S’interroge l’économiste togolais face à d’autres économistes réunis autour de Jean-Pierre Boris, le présentateur de l’émission « Eco d’ici, Eco d’ailleurs » sur RFI le 12 novembre 2016. 237online.com. Il faut donc des études prospectives très affinées au sein des économies de la zone franc pour s’ajuster face à la conjoncture internationale en mutation permanente. Et c’est la question de la pertinence du FCFA qui est davantage posée dans son ensemble. Kako Nubukpo justement, l’un des coordonnateurs du livre collectif intitulé «Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA ?» pense que « globalement il faut dire qu’il y a une élite essentiellement africaine qui profite des avantages du CFA ». Il est noté des avantages liés à la capacité à faire partir les capitaux de la zone franc vers la zone euro sans coût alors qu’il serait plus approprié de réinvestir les profits générés au sein de la zone.